J’entends parfois dire de ci, de là, au hasard des rencontres et des soirées interminables des étés sur la terrasse à la lueur des bougies, des personnes ô combien envieuses du merveilleux métier que celui d’instituteur. Il arrive que l’image idyllique qu’ils en font soit à cent mille lieux de la réalité quotidienne.

Parfois, comme ces deux derniers jours, l’imagination débordante d’un esprit déluré reste à quai face à une réalité bien plus exceptionnelle. Les lignes que vous allez lire ne sont pas ni le fruit d’une folie fantaisiste ni le résultat d’une pensée extravagante. Non, seulement la triste et dure réalité d’un vécu affligeant d’un enseignant. Lu par une communauté éducative élargie, je tâcherai d’user d’un champ lexical et sémantique poétique, donnant à cet écrit, une croustillante description.

Annoncé précédemment dans ce blog, mercredi matin, j’assurai la classe voisine de ma collègue afin de lui permettre de signer, de comprendre et de maîtriser le projet d’accueil individualisé d’une élève.

Narrant une histoire en y mettant la forme, le ton et la gestuelle adéquats, je m’enthousiasmais à voir ces petits dévorer cette nouvelle de « Nina et Charlotte » comme hypnotisés. Parmi eux, un et un seul avait occulté tout mon déploiement pédagogique à donner l’envie de rentrer dans la lecture. Sa préoccupation première et essentielle était de pénétrer avec force son index dans la cavité nasale gauche. On pouvait deviner par la déformation de la peau que son ongle livrait bataille à des tenaces mucus fixement fixés à la paroi interne. Après de longues secondes interminables et épiques, le doigt remporta victoire et sortant de cette caverne sombre s’exposait fièrement à la lumière du jour. Ses yeux obnubilés louchèrent sur lui et sur sa proie collée, arrachée des entrailles. Puis, comme une offrande aux dieux en guise de sacrifice, l’index plongea dans la bouche pour nourrir l’enfant. Il ressortit propre et luisant, prêt à repartir au combat.

Hier et ce matin, retrouvant ma classe, un autre, dont les viscères abdominales fermentaient un plat de flageolets délicatement préparé, eut l’audace sans un bruit et sans crier gare de partager à l’ensemble de la communauté présente en ces murs ses flatulences odorantes. Certes malgré ma protestation, il n’eut pas le courage de revendiquer l’acte. Je pestais dans le vide, pas si vide que cela à mon nez défendant. Je dus ouvrir les fenêtres, respirer la bouche ouverte et me pincer le nez. Mon élocution en fut altérée. La compréhension et l’attention des élèves bien compromises.

Enfin et pour finir, malgré une séance de vocabulaire rondement menée sur le cri des animaux de la ferme en relation directe avec le thème de la classe de découverte que je préparais, un grand s’extasiait sur la définition du mot « caca » écrite noir sur blanc dans son dictionnaire ouvert sur la table. Il était sûrement à la recherche de cancaner, cri du canard. Il partageait, hilare, sa trouvaille à ses camarades de table, tout autant joviaux que lui.

Que pouvais-je raconter ce soir en rentrant chez moi ou à un inconnu de passage : quel beau métier professeur …

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